Voir un film de Tsai Ming-Liang, c’est toujours une expérience, une plongée dans un univers très particulier, souvent sombre, voire désespéré, dans un monde sans repère, sans langage articulé, sans communication véritable entre les êtres. Souvenez vous de Vive l’amour, de La Rivière, de The Hole… Des films pas commodes, des films tortueux, pluvieux, d’une beauté malade, d’une poésie morbide. Good bye Dragon Inn est dans la droite ligne des titres pré-cités, autant dire qu’il est difficile, exigeant pour son spectateur. Si vous voulez juste passer un bon moment, si vous n’aimez que les histoires solidement structurées, avec un début, un milieu et une fin, si vous cherchez les émotions bien identifiées… choisissez un autre film. Si vous êtes ouvert à toute recherche esthétique et narrative, bienvenue chez Tsai Ming-Liang.
Good bye Dragon Inn, c’est une ode funèbre à un cinéma en train de mourir. Le cinéma en tant que spectacle, le cinéma en tant que lieu de rassemblement d’êtres humains réunis pour partager des émotions.
Dans une ville noyée sous des trombes d’eau, une salle de cinéma donne sa dernière séance avant sa fermeture définitive. Un jeune homme y entre, plus pour se protéger de la pluie que par désir cinéphilique.
L’ouvreuse infirme et le projectionniste ont l’air totalement étrangers l’un à l’autre, même s’ils travaillent ensemble. Les spectateurs sont d’abord nombreux et puis quelques plans plus tard la salle est vide. Des fantômes? Le jeune homme quitte son fauteuil, erre dans les locaux techniques, dans les toilettes, dans un grand couloir qui passe derrière l’écran. Il rencontre un homme qui fume. Un spectre? Aucun dialogue n’est échangé, à peine un regard.
Il regagne son siège. Sur l’écran est projeté Dragon Inn, film chinois à grand spectacle des années 60. Dans la salle, sont maintenant assis deux hommes vieillissants qui ressemblent aux acteurs du film, dont ils sont maintenant les uniques et derniers spectateurs…